Les choix du CEPS pour le déploiement du pancréas artificiel remettent en cause la sécurité de la prise en charge des patients diabétiques
L’arrivée du dispositif innovant de pancréas artificiel Diabeloop* doit améliorer considérablement la prise en charge des patients diabétiques. La publication prochaine de son inscription au remboursement aurait donc dû être une excellente nouvelle. Pourtant, celle-ci inquiète le secteur de la prestation de santé à domicile qui accompagne les patients diabétiques sous pompe à insuline. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) vient en effet d’imposer une nomenclature qui met à mal la sécurité et la qualité des prises en charge des patients diabétiques qui en bénéficieront. La Fédération des prestataires de santé à domicile (FEDEPSAD) et l’Union des Prestataires de Santé à Domicile Indépendants (UPSADI) et le Syndicat national des associations d’assistance à domicile (SNADOM) sont contraints de lancer l’alerte sur les conséquences de cette décision.
Lorsqu’une nouvelle technologie arrive, c’est à la fois une réelle opportunité pour les patients, mais aussi un véritable bouleversement qui nécessite un accompagnement et une surveillance, comme c’est le cas pour tous les dispositifs innovants. Dès le début des discussions visant à l’inscription au remboursement de la boucle semi-fermée de Diabeloop, il y a près d’un an, les prestataires de santé à domicile ont proposé la mise en place d’un observatoire permettant d’adapter au gré du besoin avéré, la prestation associée à ce nouveau dispositif, et dans l’attente, de maintenir les modalités de prise en charge et d’accompagnement actuels.
Il s’agit là d’un principe de précaution essentiel pour une nouvelle technologie, de surcroît lorsque les études cliniques ont démontré que l’initiation nécessitait un accompagnement intensif, tant en termes d’appropriation du traitement que de gestion du matériel.
Le CEPS a fait un autre choix faisant le pari, a priori, que la technologie pouvait se substituer intégralement à l’accompagnement humain, en dépit des alertes des professionnels du secteur qui accompagnent quotidiennement depuis plus de 20 ans les patients diabétiques sous pompe.
En juillet dernier, la FEDEPSAD et l’UPSADI ont formulé une ultime proposition au CEPS, comprenant les conditions minimales de sécurité et de qualité nécessaires pour garantir le succès du déploiement de cette innovation attendue par les patients. Mais le gouvernement a rejeté ces propositions sans aucune explication, privilégiant la perspective de réaliser des économies à celle de garantir la qualité et la sécurité des patients.
La dimension humaine du suivi supprimée ?
Le CEPS a fait le choix, toujours dans une logique d’économie, de modifier en profondeur la prestation associée à la prise en charge, et d’en amoindrir la qualité : suppression de l’astreinte paramédicale 24/24, suivi exclusivement à distance, et assistance technique au rabais. Voici les nouvelles conditions d’accompagnement des patients diabétiques que le CEPS
porte, au mépris du besoin des patients ou des protocoles de prise en charge actuels dont la qualité et la sécurité sont saluées par les patients et les prescripteurs. Il ne tient en outre aucun compte du retour d’expérience des acteurs sur le déploiement des précédentes innovations dans le diabète, telles que les pompes patch ou les capteurs de glucose en continu.
Cet arbitrage prouve aussi à quel point les décisions sont prises par une administration déconnectée de la réalité, qui, n’ayant jamais pris la peine de se rendre sur le terrain pour appréhender l’étendue de l’accompagnement des prestataires au domicile des patients, ne voit leur prise en charge qu’à travers le prisme de la dépense publique. Le CEPS assume ainsi privilégier une proposition tarifaire moins-disante au mépris du principe de précaution et du besoin des patients. Il ignore ainsi que la majorité des patients diabétiques n’est pas « hyper connectée » et, surtout, il s’agit d’individus distincts, ayant chacun leurs besoins spécifiques, et non pas d’une population uniforme pouvant être traitée globalement !
L’accompagnement humain et personnalisé des patients est totalement mis de côté dans cette nouvelle nomenclature.
Pourtant, un sondage Opinion Way pour la Fédération des PSAD en juin et juillet dernier auprès d’un millier de diabétiques, prouve à quel point la prestation d’accompagnement des PSAD est une attente forte de la part des patients. Ils attribuent une note de 8,3/10 à la qualité de conseil des PSAD autour de leur traitement, et des notes au-delà des 8,5/10 pour le niveau de compétence de l’intervenant, les moyens déployés pour les problèmes médicotechniques ou encore la disponibilité du PSAD et de l’astreinte 24h/24. L’enquête montre également que le patient s’adresse naturellement à son PSAD en cas de difficulté : 90% des patients contactent en premier le PSAD et 41% déclarent avoir déjà eu besoin de contacter leur PSAD pour leur pompe à insuline durant un week-end. A contrario, les patients ne sont que 12% à estimer que leur pharmacien d’officine pourrait se substituer au PSAD dans le suivi du traitement par insulinothérapie. Ces chiffres confortent tous, sans exception, les inquiétudes des PSAD vis-à-vis de la nouvelle nomenclature Diabeloop.
Cette enquête montre aussi que les patients ont des attentes différentes vis-à-vis de l’accompagnement des prestataires et qu’une prise en charge indifférenciée de tous les patients n’a aujourd’hui plus de sens.
Dans ce contexte, la FEDEPSAD, l’UPSADI et le SNADOM dénoncent l’impact de cet arbitrage sur la qualité et la sécurité de leur prise en charge et alertent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Elles font savoir que les PSAD ne participeront pas au déploiement d’un dispositif pour lequel les conditions de prise en charge ne répondent pas aux exigences de qualité et de sécurité. Le Gouvernement et le CEPS devront assumer leurs responsabilités quant à l’échec du lancement de cette innovation de rupture.
*Diabeloop c’est quoi ?
C’est un système d’administration de l’insuline en boucle semi-fermée DBLG1, de la start-up Diabeloop, qui associe une pompe à insuline et un capteur CGM (un système classique de « boucle ouverte ») à un terminal de commande opérant un algorithme de contrôle de la glycémie. Il sera le premier du genre à bénéficier d’un remboursement par l’Assurance
maladie. Il est réservé aux patients diabétiques de type 1 adultes dont l’équilibre glycémique préalable est insuffisant (taux d’HbA1c ≥ 8%), en dépit d’une insulinothérapie intensive bien conduite par perfusion sous-cutanée continue d’insuline (pompe externe) pendant plus de 6 mois, et d’une autosurveillance glycémique pluriquotidienne (≥ 4/j). Sur les 80 000 patients adultes aujourd’hui traités par pompe à insuline, 7000 sont susceptibles de pouvoir en bénéficier dans les trois prochaines années.
Contact Presse :
FEDEPSAD : Alexandra DUVAUCHELLE / Tél. 06 30 29 93 72
UPSADI : Nathalie CREVEUX / Tél. 06 60 16 61 40
SNADOM : Jonathan MARTINEZ / Tél. 06 18 55 00 76